jeudi 11 octobre 2012

Camille



Camille avait l'art de la vie
clope sur clope
Ses yeux avaient mangé le monde

Elle me parlait de tout comme
de colonies
acquises en son nom
Des territoires qu'à son aise
un beau jour
elle irait habiter

On la verra demain
poser ses malles
sur celui-ci peut-être
Sur un autre en chemin
qui sait
Si l'escale est bonne

Elle disait qu'elle
En a bien trop à voir
pour en tracer des cartes
tellement à voir
qu'elle en parle très vite
et qu'elle parle sans cesse

Parle,
Parle moi encore
Camille !
Ne t'arrête pas
Tu es un archipel
un faisceau de chair éclatée sur le monde
Tu es
cette chaîne de pied-à-terre sur les espoirs des hommes
Tu sais
Tant de draps changés
Pour toi
parce qu'on ne sait jamais
Parce qu'on n'est sûr
de rien vraiment sauf que
tes courbes n'attendent pas

Tu sais l'extase de celles
qui ont soumis les choses et s'en servent à présent
Tu t'en pares et t'auréoles
Tes phéromones distillent l'arôme
d'une Vie

Moi
Je continue à balbutier
l'occasion d'un poème
ce que demain sera
Je l'avais fait sous tes grands yeux
Quand bonne reine
Je suis devenu sujet
de toi
Un autre parmi les autres
Pour qui
Le brouillard s'épaissit
comme la fumée de tes cigarettes

Alors je courtise les jours comme je peux
aujourd'hui un poème
sur toi
Demain une annonce d'emploi
C'est ridicule Camille
Je t'ai promis
De partir
d'aller vérifier tout ce que
tu disais
Mais je suis lâche et j'ai peur
J'ai peur Camille
Que le monde soit
moins beau à mes yeux
que j'avais pu le voir
plongé dans les tiens.

Milo, Octobre 2012.

Isthme

À vous,



Je parlerai toujours de partir


Je dirai "je pars"
Comme on dit
"Quand j'irai mieux"
Pour laisser derrière moi
cette impression de fin du monde

Les années viennent et puis repartent
Faiseuses d'anges
Sur la conscience j'ai les chroniques
Des espoirs nés sans vie

"Stillborn"
Disent les anglais.
Pour "nés figés".
Nés "Immobiles", c'est vrai
Mais nés,
"Nés malgré tout"
Sur le seuil, en équilibre
"Stillborn", "nés pour toujours".


Je parle de partir comme un père abandonne


Et jusqu'au départ, pour tarder un peu
J'en parlerai encore

Puis
Sans adieu formel
J'entrerai dans le monde comme on entre dans les rangs
Valet Curé mercenaire
Enfant des autres, Fils de l'époque
Itinérant

Je suis mendiant par nature
J'aime le son de la cloche
Elle crie pour moi quand on me prend la gorge
Elle raconte des fables et ponctue ses soupirs de longs tintements
Dans une langue qui se moque bien des mots.

Quand tu la comprendras,
Je serai déjà loin

Je reviendrai peut-être un jour
Avec elle, montée en broche, au creux des mains :
Je reviendrai te confier
la fleur qui pousse
sur les sentiers d'Attila

Son nom m'échappe encore.
Il est rancunier
Latin
Joli comme l'est une ombre.

Mais peu importe l'ombre
Et peu importe le nom

Il a la fleur, il y a le nom, il y a l'ombre

J'étais venu te dire que je m'en vais.


Milo, Octobre 2012

mercredi 29 août 2012

Mort-gage



Quand tu parlais des autres
Tes cuisses paraissaient plus fermes
Et ton dos plus droit

En talons sur
Des noms
Comme l'oeuvre à son socle

Sublimée


Tes lèvres déroulaient des mots
L'étoffe pour gaîner
Le dos de l'un
La voix de l'autre
Mes pas devenaient blancs et rares

Et dévot
J'entrais pieds-nus
Indigne
Offert à toi

Alors
Comme on peint l'oeuvre pieuse
Comme l'aveux d'une défaite
J'embrassais soumis
J'embrassais soumis et soudain inspiré
j'embrassais encore

J'embrassais encore car j'étais passé Maître


Maintenant que je suis
Une pierre de ton piédestal
Je me demande parfois laquelle


Milo, 28/08/2012

lundi 28 mai 2012

25/05/2012, Gare Lille Europe


Elle sentait le matin d'été


Malgré les rails
Le bruit des rails
Et trainait comme un voile 
La queue du rayon d'aube qui fait fondre l'hiver

Elle tient de ces jeannettes qu'on dit 
Propres et toujours gaies
Un voyage sur le dos
Séquestré dans un sac
Et un autre 
Un autre pour moi
Presqu'affranchi
Bohème 
Le long des jambes et
A perte de peau

Crachée par le métro
Elle emportait voleuse
Un peu de l'idéal 
Rescapé des camps scouts

Mais nos quais divorçaient
A cause de cette loi de merde sur
Les destins parallèles
Les aiguillages mal foutus
Qui déchirent un instant que l'on venait d'aimer

J'ai griffonné deux vers sur mon ticket usé
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Vos yeux font les traverses.

mercredi 2 mai 2012

Hard Job


Du temps d'abondance
J'ai gardé deux nourrices
Des formes pleines pour pleurer dans les courbes

L'une est morte du chagrin
Qu'elle prenait à un autre
A moi peut-être
Ou bien

J'ai oublié depuis

L'autre confiait dans les draps

"Maître
Mes seins sont vides
Et nos enfants hurlent"

Des enfants disait-elle ?

J'ai fait taire ses lèvres
Toutes ses lèvres
Jusqu'à me consoler.

La voilà repartie, les yeux hideux et bouffis
Récitant des prières
Des mots pour elle même
Un intime réconfort
Comme celui qu'elle aurait
A bercer l'enfant mort

Milo, 2 Mai 2012

dimanche 29 janvier 2012

Lavoisier


Un homme qui m'expliquait la vie : 


"Les corps qu'elle emprunte
Portent les fissures
De tout petits séismes :


Une corde vibre, vocale ou sensible
La glotte tremble
Un cil frémit
Les cœurs s'ébattent
Une main hésite 
- La peau résonne -
Et l'autre avance
Raisonne encore
Danse des fluides"


L'alcool était fort, des filles en jaillissaient pour
S'évaser par les bords
Il les appelait « lutines » ou « farfadaises »
Des « amusettes », une « amour-gueule »
Vantardise et amples gestes
Sa peur du noir blanchissait l'ardoise des crédits 
Comme des moutons 
Qu'il comptait pour se taire.


Ses soubresauts causaient d'amour
"Un frisson qui s'aggrave :


Fréquence
Et longueur d'onde
Résonance
L o n g u e u r d o n d e
Membrane
Oscillation
Longue heure d'ondées
Les fluides en crue
Par les fissures
Par les barrages
Tsunami".


Ses yeux en débordaient.
Il s'éloignait dans son fleuve de paroles
Triste.


A cet homme qui m'expliquait la vie
Connaissait l'amour et le chagrin : 
Un corps qui casse
Où vont les mouvements ?


Milo, Décembre 2011.